COFONDATRICE D’ALZPROTECT, PROFESSEURE À LA FACULTÉ DE PHARMACIE DE LILLE, DIRIGE L’ÉQUIPE « BRAIN BIOLOGY & CHEMISTRY » AU CENTRE DE RECHERCHES LILLE NEUROSCIENCES & COGNITION

Présentez-nous votre parcours de professeure et chercheuse et ce qui vous a motivée à cofonder Alzprotect ?

Je suis ingénieure chimiste de formation. Après avoir réalisé ma thèse dans un laboratoire CNRS avec les laboratoires Servier et soutenu en 1993, j’ai poursuivi par un post-doctorat à l’Institut Pasteur de Lille, avant d’être recrutée dans une start-up, ce qui m’a plongée dès le début dans l’interface entre financements publics et privés. J’ai ensuite intégré la Faculté de Pharmacie de  Lille en tant que Professeure, et j’ai renoué avec la recherche académique.

En 2004, avec l’équipe du Dr André Delacourte, nous avons découvert une molécule prometteuse pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. Cette découverte nous a incités à approfondir nos recherches et à chercher des financements. Bien que nos premières démarches aient été complexes, une cellule de transfert nous a proposé de créer une entreprise, ce qui a véritablement impulsé notre projet.

Eurasanté a joué un rôle important lors de la création d’Alzprotect en 2007, facilitant la mise en relation avec un porteur de projet et offrant un soutien logistique par la suite. C’est Dr Philippe Verwaerde qui en est ainsi le CEO depuis 2009. La start-up d’abord été hébergée dans nos laboratoires, puis dans les locaux du Bio Incubateur avant de s’installer sur le parc Eurasanté.

Dans le domaine de la chimie thérapeutique, la valorisation est importante. Bien que nos travaux puissent aboutir à de belles publications pour notre laboratoire, la seule voie pour réellement progresser vers un traitement bénéfique pour les patients est la valorisation via un dépôt de brevet, la collaboration avec un partenaire industriel, voire la création d’une start-up.

En tant que femme entrepreneure dans le domaine de la santé, quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées et comment les avez-vous surmontées ?

Être une femme dans ce domaine n’a été ni un frein ni un avantage particulier. Comme beaucoup de femmes actives, j’ai dû jongler avec de nombreuses responsabilités : le couple, les enfants, la carrière… Ce n’est jamais simple, cela demande une organisation rigoureuse. L’entrepreneuriat a juste rajouté une activité supplémentaire, avec des journées qu’on aimerait parfois étendre à 36 heures au lieu de 24.

Le domaine de la santé est particulier : nous avons l’immense chance d’avoir un métier passion. Nous fonctionnons beaucoup à la passion et à l’intérêt du collectif. Dans notre domaine, nous marions la connaissance, l’innovation et le fait de rendre service à la société. Les femmes peuvent s’épanouir dans ces métiers, le tout c’est de ne pas se mettre soi-même de freins ou s’auto-censurer.

Il est important de se rappeler que moins d’une molécule active sur mille peut devenir un médicament, ce qui montre à quel point la probabilité de succès thérapeutique est faible. Au fur et à mesure on passe des étapes, on coche des cases, mais le risque d’échec demeure omniprésent. Peut-être que dans six mois, nos résultats ne seront pas suffisants et compétitifs, ce qui pourrait stopper des années de travail. Pourtant, même en cas d’échec, nous aurons toujours contribué à faire avancer la science. Dans ce cas, il est toujours possible de valoriser le travail accompli, en publiant par exemple les résultats. Si l’idée est bonne, il est possible de l’améliorer et de poursuivre les travaux. Le processus de création d’un médicament est un peu semblable à celui d’une clé qui doit s’adapter parfaitement à une serrure. On peut ajuster certains aspects de la clé sans en changer la fonction, … La passion pour ce travail et la cohésion au sein de l’équipe sont les véritables moteurs de notre motivation.

Quelles sont vos plus grandes fiertés tout au long de votre parcours ?

C’est un ensemble, même si l’on a toujours l’impression que l’on pourrait faire plus et mieux ! Le collectif est, pour moi, une dimension essentielle.

L’enseignement a une place centrale dans ma vie professionnelle que ce soit dans l’amphi ou au laboratoire. C’est une immense satisfaction de voir les étudiants réussir, lors des soutenances ou à travers les publications auxquelles ils contribuent.

Créer une équipe de recherche dans un centre  Inserm, c’est aussi une grande source de fierté. Contribuer à la valorisation au niveau régional, et surtout réussir à amener une molécule jusqu’au patient, représente une part essentielle de mon engagement. Ainsi, si l’AZP2006 (ndlr : molécule visant à combattre la neurodégénérescence) venait à être développée, ce serait LA véritable fierté. Si ce traitement permet de soigner des patients, cela serait l’aboutissement ultime…

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