Portrait de chercheur : Rencontrez Vincent Prévot de l’INSERM et du CHU de Lille
Directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’INSERM, Vincent Prévot dirige l’équipe « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine » au Centre de Recherche Lille Neuroscience & Cognition, au sein du CHU de Lille. Il a étudié à l’Université Paris-Saclay avant de rejoindre Lille pour un DEA, suivi d’une thèse sous la direction du Pr Jean-Claude Beauvillain. Après un post-doctorat aux États-Unis, il revient en France pour intégrer l’INSERM, où il a pris la relève de son mentor en 2006.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Vincent Prévot, directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’INSERM. Je dirige l’équipe « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine ». Cette équipe est constituée d’une cinquantaine de personnes avec huit chercheurs statutaires, une dizaine de post-doctorants à peu près une quinzaine d’étudiants en thèse et une équipe de soutien à la recherche INSERM et Université de Lille.
Récemment, nous avons découvert que l’hormone libérée par le cerveau contrôlant la reproduction régulait aussi l’activité cérébrale. Cette hormone, la GnRH (gonadolibérine) joue ce rôle crucial dès la naissance. Elle est libérée avec un « rythme pulsé », par des neurones qui s’activent dès les premières semaines de vie chez l’enfant, puis à la puberté ; cette pulsatilité de GnRH est essentielle au développement cognitif et à la mémoire. Chez les personnes porteuses de trisomie 21, ce rythme est altéré, accélérant le déclin cognitif. Les chercheurs ont montré que restaurer ce rythme chez des adultes trisomiques améliore leurs capacités cognitives de 20 % en seulement six mois (Manfredi et al. Science 2022, PMID : 36048943).
Lors de nos tests sur des souris, nous avons obtenu des résultats pré-cliniques extrêmement solides, si bien que nous avons rapidement envisagé des essais chez l’homme. Historiquement, les pompes à GnRH sont utilisées depuis 40 ans pour traiter des patients chez qui cette hormone est absente, empêchant la puberté et la fertilité. Chez les adultes souhaitant avoir des enfants, ces pompes restaurent leur fertilité en peu de temps. Ces antécédents ont facilité le passage des tests sur souris à ceux réalisés sur des personnes porteuses de trisomie 21. Ces travaux nous ont valu plusieurs distinctions prestigieuses : le grand prix scientifique de la FRM en 2023, le grand prix scientifique de l’institut de France fondation NRJ pour les neurosciences 2023 et en 2024 j’ai reçu le prix de la société d’endocrinologie américaine qui est le prix « Edwin Atwood » et le prix recherche INSERM.
Comment vous est venue l’envie de valoriser votre innovation ? Quel est votre projet de start-up ?
Pour que cette innovation bénéficie aux patients, nous avons décidé de créer une start-up, « GnRHope » : la contraction de GnRH et « Hope », pour l’espoir que représentera cette innovation pour les patients. Cette start-up permettra de poursuivre les développements cliniques, d’intéresser des partenaires pharmaceutiques et d’obtenir les autorisations nécessaires à sa commercialisation et son remboursement. Ce n’était pas évident pour moi, car je ne suis pas entrepreneur. Au début, mes échanges avec les investisseurs n’étaient pas convaincants, mais INSERM Transfert et Eurasanté m’ont beaucoup aidé. INSERM Transfert m’a mis en contact avec Gilles Devillers, qui a cru en mon projet. Aujourd’hui, il souhaite continuer à s’investir dans le projet GnRHope !
Quelle est la plus-value de l’accompagnement du Bio-Incubateur ?
L’incubation de notre projet chez Eurasanté nous a offert un soutien précieux pour structurer la création de la start-up, notamment à travers des études de propriété intellectuelle, des analyses business et un accompagnement à la levée de fonds. J’ai constaté qu’il existait peu de passerelles entre la recherche académique et l’entrepreneuriat, mais Eurasanté et Inserm Transfert ont comblé ce vide en nous aidant sur des aspects clés.
Évoluer au sein du Parc Eurasanté vous permet-il de développer des mises en relation intéressantes pour votre projet ?
Gilles Devillers a pu avoir des échanges intéressants avec une autre start-up incubée à Eurasanté qui développe des dispositifs médicaux. La proximité avec le CHU est aussi précieuse et nous a permis des mises en relation plus faciles pour discuter avec des professionnels dans la réflexion des protocoles cliniques : ce dynamisme de la recherche n’est rendu possible que parce que nous sommes sur le site du CHU et que cela favorise les interactions entre la recherche fondamentale et les cliniciens.
Quelles sont les complémentarités entre l’accompagnement du Bio-Incubateur et celui d’INSERM Transfert avec son programme pré-entrepreneurial ?
J’ai pu bénéficier du coaching de mon mentor Gilles Devillers par le biais d’INSERM Transfert. En parallèle, par le biais d’Eurasanté, nous avons tous les deux assistés aux événements Biofit/MEDFit, afin d’échanger avec des investisseurs, des pharmas. Il s’agit d’un bon investissement, et je remercie Eurasanté de prendre toujours en compte l’accompagnement de Gilles dans ce genre de démarches, car je n’y arriverais pas seul, étant donné que je dois aussi continuer à gérer mon équipe au laboratoire.
Quelles suites pour votre projet ? Quels objectifs futurs ?
Notre stratégie est de nous concentrer d’abord sur deux maladies rares. Le syndrome de Prader-Willi, une anomalie chromosomique liée à l’absence d’empreinte paternelle sur le chromosome 15, qui provoque des troubles cognitifs et une obésité morbide due à une hyperphagie dès l’âge de deux ans et la démence fronto-temporale qui est parfois confondue avec la maladie d’Alzheimer. Notre traitement, basé sur la délivrance pulsatile de GnRH, pourrait à la fois réduire cette hyperphagie et améliorer les fonctions cognitives. Cette dernière, est d’ailleurs en cours de mise en place avec le CHU de Lille, grâce à l’obtention récente d’un financement conséquent de la part de Mécénat AXA France.
À plus long terme, nous espérons intéresser une grande entreprise pharmaceutique, ce qui faciliterait l’adaptation de notre traitement pour lutter contre le déclin cognitif lié à l’âge, notamment dans des pathologies comme Alzheimer. L’objectif serait alors d’aider ces patients à mieux vivre avec leur maladie en ralentissant leur déclin cognitif grâce à une pompe à GnRH.
Un mot de fin ?
Merci à Eurasanté : le contact avec l’équipe valorisation de la recherche (notamment Caroline et Sabeena) est très précieux et est véritablement moteur dans le développement du projet ! Un grand merci également à Inserm Transfert pour la complémentarité de leur accompagnement.
Inserm Transfert m’a sollicité en fin d’année 2023 pour aider Vincent et son équipe dans le process de valorisation des travaux correspondant. A la lecture des très bons résultats, de la relative sécurité et simplicité de la solution et des indications potentielles adressables (maladies rares et indications ‘mass market’ touchant la cognition et l’obésité sévère), j’ai été conquis par ce solide projet et suis honoré de faire partie de l’équipe qui travaille à la création d’une start-up, dont je devrais porter la direction, et qui portera le développement clinique et marketing de ces recherches. Ainsi, après avoir préparé et passé avec succès le comité d’incubation d’Eurasanté avec Vincent, nous avons déjà initié la collaboration et les interactions avec l’incubateur. Cette étape d’accompagnement est clé pour la création d’une nouvelle société de biotechnologie dans la région qui va développer l’expertise au sein de l’écosystème, créer des emplois et valoriser les travaux de Vincent et de son équipe.
Gilles Devillers - Entrepreneur en série, consultant et mentor INSERM Transfert
Le projet de M. Vincent Prévot est un projet prometteur que nous accompagnons depuis plusieurs années au sein d’Inserm Transfert notamment dans sa structuration à travers notre Parcours Pre-Entrepreneurial (PPE) que Vincent suit depuis 2022. Dans ce contexte, nous avons décidé de lui faire intégrer notre programme de Mentorat, ce qui lui a permis de rencontrer Gilles Devillers qui l'accompagne maintenant sur ce projet. C’est un véritable plaisir d’accompagner Vincent dans son chemin pour devenir un fondateur d’entreprise éclairé.
Pauline SOLIGNAC - Responsable Programme Accompagnement Entrepreneuriat | Partenariats Industriels & Entrepreneuriat