Portrait : Comment l’ERC a boosté le projet de recherche de Romain Peretti
La forme des protéines joue un rôle crucial dans des maladies telles que Parkinson et Alzheimer. En développant des méthodes pour agir sur leur conformation, de nouvelles applications s’ouvriraient aux biologistes et aux médecins.
Au sein de l’Institut d’Électronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie (IEMN – UMR CNRS / ULille / UPHF / CLI / JUNIA), Romain Peretti, chercheur au CNRS, se concentre sur la compréhension des vibrations des protéines à l’échelle nanométrique. En sondant et en modifiant ces vibrations, il serait possible d’agir sur la conformation des protéines, offrant ainsi des avancées médicales prometteuses. C’est en tout cas l’objet de son projet de recherche, récompensé pour son excellence par une bourse de l’ERC.
Quel est votre parcours ?
J’ai commencé assez classiquement par une école d’ingénieur en optique, à Orsay, puis un doctorat à Lyon à propos des fibres optiques amplificatrices. Avec ma femme, nous avons ensuite vécu une étape importante sur le plan personnel, devenant parents à deux reprises, lors de mon premier postdoctorat sur les cristaux photoniques visant à améliorer l’absorption de la lumière dans les cellules solaires, toujours à Lyon.
J’ai ensuite effectué un second postdoctorat, cette fois à l’école polytechnique fédérale de Zurich, pour améliorer les lasers à cascade quantique via les cristaux photoniques. J’étais dans un groupe qui effectuait des études dans la gamme des THz, et c’est ce qui m’a poussé à construire des projets dans cette direction.
Dr Romain PERETTI,
Institut d’Électronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie (IEMN – UMR CNRS / ULille / UPHF / CLI / JUNIA)
Pourquoi avoir rejoint la région Hauts-de-France et le laboratoire IEMN ?
J’avais donc un beau projet dans la gamme THz et je tenais à le réaliser. De plus, je souhaitais trouver une ville où ma famille puisse s’épanouir. J’ai donc été accueilli par l’équipe Photonique THz, équipe de l’IEMN reconnue internationalement pour la qualité de sa science. La direction du laboratoire m’a accueilli à bras ouverts.
Nous avons co-construit un projet d’accueil chercheur supporté par la région Hauts-de-France puis par la MEL. C’est cet ensemble qui m’a convaincu de venir et le CNRS m’a recruté en tant que chercheur dans ce cadre.
La fabrication de structures macromoléculaires artificielles est un défi majeur. Le projet TUSCaNy vise à utiliser des outils de photonique THz pour sonder et contrôler la structure des macromolécules tel que les protéines.
Sur l’image, on voit (en haut) un exemple d’assemblage incomplet d’une capside virale dans un environnement standard (sans cavité THz). En bas, l’assemblage est complet lorsque la cavité THz permet le couplage fort entre l’onde électromagnétique et les modes de vibrations.
© Dr PERETTI, IEMN
En quoi consiste votre projet de recherche ?
Tous les objets que nous connaissons, que ce soit à l’échelle d’une galaxie ou d’une liaison entre deux atomes, possèdent des vibrations résonantes ; un peu comme les cordes d’un violon. Dans le cas des protéines, en raison de leur taille, leurs vibrations se situent approximativement dans la gamme des térahertz (THz). C’est-à-dire qu’elles sont supposées être le support de vibrations dans cette gamme de fréquences. De plus, les vibrations des protéines dans cette gamme de fréquences sont en lien avec leur forme. Or, c’est leur forme à une échelle nanométrique qui leur confère leur fonction biologique. C’est par ce que les protéines assurent l’essentiel des fonctions biologique, que la technique a tant d’attrait.
Mon projet de recherche consiste à développer des outils afin de sonder ces vibrations, dans un premier temps déjà pour démontrer leur existence et leur lien avec la forme des protéines. La dernière étape du projet serait de modifier cette fonction de la protéine en couplant la vibration à un mode électromagnétique THz.
Quel pourrait être son impact ?
Il y aura tout d’abord un impact scientifique : savoir si oui ou non les protéines supportent de tels modes ou s’ils sont amortis avant même de se créer, comme si l’on jouait du violon dans l’eau. Mais bien sûr, on espère qu’ils existent et qu’ils pourront servir d’outils pour suivre la forme des protéines dans les processus biologiques.
Cela revêt une importance particulière quand on sait que, par exemple, les maladies comme Parkinson ou Alzheimer sont liées à la mauvaise forme de certaines protéines. J’espère donc que mes recherches mèneront à de nouveaux outils utiles aux biologistes et aux médecins.
Aujourd’hui, vous êtes lauréat ERC : qu’est-ce que cela vous apporte ?
Les bourses de l’ERC (Conseil européen de la recherche ou European Research Council) sont vues par beaucoup comme un financement prestigieux. Concrètement il s’agit de 2M€ pour mener un projet ambitieux sur 5 ans. Cet important financement répond à 2 besoins : en premier lieu le besoin profond du chercheur de se projeter sur un temps suffisamment long ; et le luxe d’être financé sur une aussi longue durée. J’en suis donc ravi ! Je vais pouvoir prendre le temps de développer et d’aller au fond de mes idées et c’est cela pour moi l’apport essentiel de l’ERC : le droit de penser à long terme.
Quels sont vos prochains enjeux ?
Je nourrirai sans doute davantage l’imaginaire en parlant de science, mais la prochaine étape c’est le recrutement. La recherche, ce sont d’abord des chercheuses et des chercheurs, il faut donc que je recrute mon équipe projet qui se doit d’être compétitive dans un environnement qui l’est tout autant. Je passe donc beaucoup de temps à rencontrer et discuter avec de jeunes chercheuses et de jeunes chercheurs pour les convaincre de venir avec nous.
Comment avez-vous connu Eurasanté ?
Avec une collègue, nous avons monté pendant la période de confinement un projet d’innovation en santé autour de la prévention et du diagnostic construit sur la spectroscopie THz. Ce projet a été financé par la région et par CNRS Innovation. Quelques mois après son lancement, nous avons entendu parler du prix « Innovation Prévention » porté par Eurasanté, et nous nous sommes portés candidats.
Comment Eurasanté vous a aidé ?
Pour nous accompagner dans cet appel Innovation Prévention, Eurasanté nous a aidés tout au long de notre candidature, tant sur le suivi et le conseil au fil de l’eau qu’en nous permettant d’entrer en contact avec différents intervenants tels que des cliniciens. Cette candidature a donc été fructueuse et nous avons été lauréats du prix Cerballiance, qui comprenait une partie en fonds et une partie en consulting propriété intellectuelle & accompagnement de projet innovant.
La partie propriété intellectuelle menée par un cabinet de brevet extérieur nous a beaucoup aidés à décider de notre stratégie et en particulier à déposer une demande de brevet dans le cadre du projet d’innovation avec CNRS Innovation. Pour la seconde partie, Eurasanté continue à nous aider à trouver le cadre partenarial pour faire grandir ce projet, nous rencontrons des cliniciens autour de sujets d’importance médicale et sociale et j’espère que nous arriverons bientôt à des essais cliniques grâce à cela.
C’est aussi lors d’un atelier RERI Santé qu’anime Eurasanté que j’ai eu l’occasion de rencontrer et discuter avec des lauréates ERC de la région. Ces échanges ont aussi permis de bénéficier de leurs retours d’expérience pour peaufiner ma candidature ERC de cette année.
Le mot de la fin ?
L’usage est de rappeler que l’appel ERC est ouvert à des profils divers et qu’il ne faut pas hésiter à se lancer si on en ressent l’envie. Mais j’aimerais également revenir sur l’idée du long terme et insister sur l’opportunité que donne l’écriture du projet de penser à sa vision de son champ de recherche, de la recherche, voire du monde, et que c’est déjà très gratifiant. Puis, bien sûr, si en plus on nous donne les moyens de tenter notre chance pour réaliser cette vision, c’est une chance incroyable qu’il ne faut pas laisser passer.
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