Rencontre avec le professeur David DEVOS
Le Professeur David DEVOS est neurologue, et travaille depuis plusieurs années au CHU de Lille, sur la maladie de Parkinson et les maladies neurodégénératives. Il est également professeur en pharmacologie médicale, ce qui lui permet d’avoir une activité de recherche (études clinique et préclinique de recherche sur le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques). Il crée sa première start-up, Inbrain Pharma, en 2018, grâce une première levée de fonds de 1,2 Million d’euros en dilutif, et Invenis Biotherapies en 2021.
Quelles sont les promesses thérapeutiques de vos 2 start-ups ?
Le handicap de la maladie de Parkinson est lié à un manque de dopamine dans le cerveau. InBrain Pharma, spin-off du laboratoire académique Inserm U1172 a développé un traitement par administration intracérébrale continue et contrôlée de dopamine naturelle, permettant ainsi de restaurer la motricité avec une excellente ergonomie et une grande sécurité. La start-up est au stade clinique avec déjà des premiers patients améliorés grâce à ce traitement.
Invenis Biotherapies est une société de biotechnologie, spin-off du laboratoire académique U1172 et de l’Université médicale de Tapei, développant des thérapies régénératives innovantes basées sur les plaquettes sanguines. Grâce au fort potentiel thérapeutique du produit, les maladies les plus sévères entraînant la mort cellulaire, comme la sclérose latérale amyotrophique sont ciblées. La start-up est au stade de préparation de l’essai clinique dans la maladie de Charcot.
Comment se positionnent-elles par rapport à la concurrence ?
Les traitements existants ne sont pas du tout dans les mêmes registres. Le traitement par la dopamine intracérébrale, par exemple, est unique au monde. Au niveau des traitements plaquettaires il existe des traitements avec des cellules souches, mais cela ne fonctionne pas. Invenis Biotherapies applique son procédé breveté pour obtenir un lysat plaquettaire plus sûr, plus efficace et compatible avec le système nerveux central. Le lysat plaquettaire est délivré directement dans le cerveau. Les résultats des recherches sont extrêmement intéressants avec un effet sur la survie nettement supérieur aux traitements actuels.
Mais, l’idée c’est que les traitements développés viennent surtout renforcer l’arsenal existant. C’est bien que les stratégies puissent se combiner.
Qu'est-ce qui vous a donné le virus de l'entrepreneuriat ?
Cela revient à poser la question : « Pourquoi créer une start-up ? ». Il n’y a en fait pas d’autres moyens pour proposer un traitement médical. Le fruit de la recherche doit revenir aux patients. Juste prouver un concept sur un modèle sur des animaux, cela ne suffit pas.
Aujourd’hui, il y a tout un écosystème qui permet d’entreprendre. C’est beaucoup plus simple qu’auparavant. La SATT Nord, tout d’abord a investi et permis de déposer les premiers brevets. Eurasanté grâce au Bio-Incubateur nous a aidé et nous aide encore à structurer les projets, les présenter et rechercher les financements. Bpi France, bien sûr qui est un acteur incontournable pour le financement.
Et puis ce sont des rencontres humaines. Je suis cofondateur avec ma femme, le Professeur Caroline Moreau, mais nous avons un CEO, Matthieu Fisichella qui s’occupe de la partie juridique, financière…indispensable pour le développement de l’entreprise. Il faut avoir une équipe pluridisciplinaire et travailler avec des pharmaciens, scientifiques, médecins, juristes, managers, financiers… Personne ne peut couvrir tous ces domaines à la fois.
Qu'est-ce que l'entrepreneuriat vous apporte en tant qu'homme ?
Créer une start-up, c’est accepté d’être fragile. Il y a toujours des vents défavorables. Ce n’est pas toujours facile, mais par chance j’ai toujours minoré les difficultés à venir. Dans notre cas, c’est aussi une aventure que nous vivons en couple. C’est bien, nous nous comprenons, mais il faut savoir arrêter d’en parler !
Chaque problème technique est vécu comme une petite mort. C’est ce que nous avons vécu si souvent la veille du Week End avec Matthieu ! Il faut repartir aux « manips »… Mais comme toujours, cela se règle, et des solutions peuvent toujours être trouvées. Il ne faut rien lâcher. Dans le domaine de l’innovation, il n’y a pas de « tuto », personne n’a fait avant nous ce que nous entreprenons.
Enfin, je suis de la région et très fier de pouvoir faire profiter de mon expérience aux autres entrepreneurs. J’espère rendre les choses plus faciles pour les jeunes qui arrivent. J’ai aussi l’honneur de faire partie du Comité Scientifique et Ethique du Bio-Incubateur et j’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice.
En quoi ce parcours entrepreneurial développe des synergies avec votre équipe de recherche ?
Je pense que 99% des chercheurs rêvent qu’une application concrète de leur recherche soit trouvée. Les mœurs évoluent, même si pour certains, travailler avec une start-up est encore « un mélange des genres ». Il y a une paupérisation de la recherche clinique et préclinique. Le fait que des start-ups se créent et trouvent des financements, cela aide la recherche.
Pour ma part, j’estime qu’il y aurait un juste retour, si grâce à notre brevet, la Fondation de l’Université de Lille récupérait de l’argent, qu’elle pourrait reverser dans le tissu économique régional.
Mais attention, même si les synergies sont importantes, il faut être vigilant qu’un laboratoire ne travaille pas gratuitement pour une startup. Il faut garder une recherche 100% académique à côté de celle cofinancée public/privé…
Quelles sont les perspectives de développement ?
La recherche de financement est permanente. Je fais souvent une comparaison avec la formule 1 : « La recherche en santé est un sport de riche, il faut investir des sommes colossales sans être sûr de gagner le grand prix ! »
Tous les ans il faut que je trouve 500 000 € pour la recherche académique pour payer les postes non financés par nos institutions. Il y a des phases où ça avance vite et des temps longs où tout est bloqué. En ce moment nous sommes dans cette phase de recherche d’argent pour les start-ups aussi… Ce qui nous permet de garder le cap, c’est l’espoir que ces nouveaux traitements vont permettre à nos patients d’aller mieux.
Nous avons aussi le projet d’une 3ème start-up sur un outil de diagnostic – mais je n’en dis pas plus pour l’instant !
Dr Matthieu Fisichella, Directeur Général ; Pr Caroline Moreau, Directrice clinique ; et Pr David Devos, Directeur scientifique d’In Brain Pharma.