Portrait : rencontrez Suman Mitra, chercheur à l’INSERM, au laboratoire CANTHER et à ONCOLille
Biotechnologiste et un immunologiste, Suman Mitra a rejoint l’Université de Lille en 2019 et a été titularisé en tant que chercheur Inserm en 2021. Ses recherchent portent sur la compréhension et l’exploitation de l’activité des cytokines (protéines essentielles au développement de puissantes réponses anti-tumorales) dans l’environnement tissulaire, dans le but d’améliorer la thérapie anticancéreuse.
Suman Mitra coordonne une étude menée conjointement avec le Dr Ignacio Moraga de l’École des sciences de la vie de Dundee et le Dr Rahul Roychoudhuri (Cambridge), qui a pour objectif de concevoir de nouvelles cytokines capables de résister à l’acidité présente dans l’environnement tumoral, conduisant à des réponses anti-tumorales plus efficaces. Une découverte mondiale révélée publiquement en décembre 2022 dans Science Immunology, qui ouvre la voie à de nouveaux traitements d’immunothérapie !
Quel est votre parcours ?
Je suis un biotechnologiste et un immunologiste ayant une solide expérience dans le domaine des cytokines. J’ai obtenu une licence et une maîtrise en microbiologie et biotechnologie à Delhi, en Inde, et j’ai reçu une bourse internationale pour mon doctorat à l’université d’Aberdeen, où j’ai étudié l’évolution du système immunitaire adaptatif chez les vertébrés.
Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai effectué un stage postdoctoral au NIH, où j’ai collaboré avec des leaders d’opinion dans le domaine des cytokines et de l’ingénierie des protéines. J’ai ensuite rejoint AstraZeneca en tant que scientifique senior où j’ai dirigé une équipe de postdocs dans le développement préclinique de médicaments ciblant les cytokines.
En 2019, j’ai rejoint l’Université de Lille et j’ai été titularisé en tant que chercheur Inserm en 2021. Mes recherches actuelles portent sur la compréhension et l’exploitation de l’activité des cytokines dans l’environnement tissulaire, dans le but d’améliorer la thérapie anticancéreuse basée sur les cytokines.
Pourquoi avez-vous choisi la région des Hauts-de-France et pourquoi avez-vous rejoint l'équipe de CANTHER ?
S’installer à Lille était une décision personnelle, mais je ne pourrais pas être plus heureux du résultat. J’ai eu le soutien de mon mentor, le Pr. Bruno Quesnel, et des autres responsables du département d’hématologie, comme le Pr. Facon, Pr. Morschhauser et le Pr. Yakoub-Agha. Leurs conseils, ainsi que le talent des jeunes scientifiques que j’ai pu recruter, m’ont permis d’établir un groupe de recherche solide ici, à Lille.
Je suis reconnaissant pour les opportunités et le soutien que j'ai reçus dans cette région, qui m'ont permis de contribuer de manière significative à mon domaine d'étude.
Quel est le sujet de vos travaux de recherche ?
Les cytokines sont des protéines sécrétées par les cellules immunitaires qui stimulent les réponses immunitaires contre le cancer et les agents pathogènes. Cependant, leur efficacité thérapeutique est limitée par leurs effets pléiotropiques et leur toxicité systémique. Nos travaux actuels combinent l’ingénierie des protéines, l’immunologie moléculaire et les modèles de souris immunologiques translationnels pour manipuler les réponses des cytokines afin de mieux traiter les troubles immunitaires en concevant des ligands de substitution des cytokines aux activités adaptées.
Ainsi, en réalisant notre objectif fondamental d’augmenter l’efficacité thérapeutique des thérapies anticancéreuses à base de cytokines, nous avons construit un schéma moléculaire permettant de biaiser l’activité des cytokines pour stimuler la réponse antitumorale dans le microenvironnement tumoral.
En outre, je travaille également à la mise au point de nouvelles thérapies cellulaires, telles que les récepteurs d’antigènes chimériques (CAR)-T ou les cellules CAR-NK, pour le traitement du cancer et d’autres maladies. La thérapie par cellules CAR-T s’est révélée très prometteuse dans le traitement du cancer, mais seul un petit pourcentage de patients y répond. Pour améliorer l’efficacité de la thérapie CAR-T, je développe des récepteurs synthétiques de cytokines qui prolongent la capacité de prolifération des cellules CAR-T et renforcent leur activité dans le microenvironnement tumoral.
Ce faisant, je vise à accroître l’activité thérapeutique globale de la thérapie et à exploiter pleinement son potentiel en tant qu’immunothérapie anticancéreuse prometteuse.
Quel est l'impact de la découverte scientifique publiée dans Science Immunology ?
Les cytokines jouent un rôle crucial dans la réponse immunitaire et sont essentielles pour combattre les maladies. Cependant, leurs réponses sont souvent limitées par les conditions qu’elles rencontrent in vivo.
Notre étude montre que l’activité d’une cytokine thérapeutique essentielle, l’IL-2, est réduite dans le microenvironnement acide des tumeurs, une caractéristique commune à de nombreuses maladies. Pour relever ce défi, nous avons développé une nouvelle IL-2, appelée « Switch-2 », qui fonctionne préférentiellement dans les niches acides tout en présentant une activité réduite à pH neutre.
En tenant compte de la composition biochimique du microenvironnement, Switch-2 promet d’apporter des réponses anti-tumorales plus robustes avec une toxicité systémique réduite. Un traitement prometteur pour le traitement de ces maladies mortelles !
Le prochain défi pour Switch-2 concerne les tests précliniques et les essais cliniques approfondis pour prouver son efficacité. En outre, des recherches supplémentaires seront nécessaires pour comprendre pleinement les mécanismes d’action du Switch-2 et son utilisation optimale en combinaison avec d’autres thérapies.
En parallèle, les efforts se poursuivent pour identifier d’autres traitements contre le cancer et d’autres maladies.
Vous êtes actuellement impliqué dans la création d'une nouvelle start-up, projet en cours d'incubation : comment êtes-vous impliqué dans ce projet ?
Nous avons reçu un intérêt significatif de la part de la communauté des investisseurs en biotechnologie avant notre publication officielle dans le domaine de l’immunologie scientifique. Notre collaboration avec le laboratoire Moraga a abouti à la création d’une série de variantes de cytokines ayant un potentiel thérapeutique, et nous reconnaissons le potentiel de ces outils à être développés en médicaments.
Par conséquent, nous travaillons avec des investisseurs en biotechnologie pour créer une start-up axée sur la création de cytokines sur mesure pour traiter le cancer et d’autres maladies. Cette entreprise passionnante nous permettra de répondre aux besoins non satisfaits dans ce domaine.
Etes-vous plutôt un scientifique, un entrepreneur, ou les deux ?
Je suis à la fois un chercheur scientifique et un entrepreneur, car j'aime découvrir de nouvelles connaissances et trouver des moyens innovants de les appliquer pour le bien des patients et de l'humanité.
Comment le soutien d'Eurasanté peut-il vous aider dans ce projet d'incubation et aussi dans vos projets de recherche ?
Le soutien d’Eurasanté peut accélérer notre projet d’incubation en fournissant un financement, un mentorat et des relations, tout en soutenant nos efforts de recherche en cours par l’accès aux ressources et aux opportunités de collaboration.
De votre point de vue, quels sont les atouts de la région Hauts-de-France et de ses équipes de recherche ?
La région Hauts-de-France est un lieu privilégié pour les chercheurs, avec une communauté forte et un accès aux meilleurs talents en biologie, en informatique et en IA. Sa situation entre Paris, Londres et Bruxelles, combinée à sa nature accueillante, en fait un endroit idéal pour vivre.
Pour attirer encore plus de chercheurs talentueux, un soutien linguistique pourrait être fourni et favoriserait l’inclusion des personnes non francophones. Cela créerait un environnement favorable et accessible permettant aux chercheurs d’exceller et d’avoir un impact durable dans leur domaine.