PRÉSIDENT, HORIBA FRANCE

Après vos expériences chez des géants comme Procter & Gamble et Rhône-Poulenc, qu’est-ce qui vous a poussé vers l’entrepreneuriat et comment avez-vous cultivé votre goût pour l’innovation ?

Je suis ingénieur de formation. Mon parcours professionnel s’est articulé autour du développement de solutions technologiques dans un contexte international, touchant à des secteurs variés comme la chimie de spécialité, les semiconducteurs ou la santé et les sciences du vivant avec HORIBA par exemple.

Après avoir commencé chez Procter & Gamble dans les biens de grande consommation, j’ai rejoint Rhône-Poulenc (devenu Rhodia puis Solvay) où j’ai dirigé l’innovation et le marketing, créant des partenariats avec de grands acteurs comme L’Oréal, P&G, Colgate…

Par la suite, j’ai fait un MBA à Columbia (USA) pour affiner mes compétences en business, ce qui m’a poussé à me lancer dans une aventure entrepreneuriale chez AirinSpace, une société spécialisée dans la décontamination de l’air, notamment pour les blocs opératoires.

Après 10 ans en tant que CEO, pendant lesquels nous avons équipé de nombreux hôpitaux avec nos solutions,  je suis rentré chez Sofradir, une entreprise spécialisée dans les détecteurs infrarouges, où j’ai dirigé une importante  phase de restructuration et d’internationalisation.

Depuis 2019, je suis le Président de HORIBA France. J’ai pris mes fonctions au moment de la crise du COVID-19, qui a paradoxalement créé un contexte favorable au développement de notre activité. Grâce à ce sentiment d’urgence j’ai pu plus facilement faire changer les choses et changer rapidement la trajectoire de l’entreprise.

L’innovation reste au coeur de nos projets de développement, avec des collaborations multiples, notamment avec des start-ups. Ces partenariats permettent de diversifier notre portefeuille technologique et de faire évoluer notre modèle économique. Par exemple, nous avons élargi notre offre en allant au-delà du matériel pour intégrer la vente de données, grâce à des collaborations à l’image de celle que nous avons nouée avec la start-up Symbio sur les piles à combustible.

En fin de compte, quand je me retourne, tout au long de ma carrière, le fil conducteur a été l’innovation technologique et la gestion de la transformation dans des environnements complexes, ce qui continue de me motiver aujourd’hui dans mes responsabilités chez HORIBA.

Vous avez pris la tête de HORIBA en pleine crise du COVID-19. En tant que dirigeant, comment parvient-on à maintenir le cap et à développer l’entreprise dans un tel contexte ?

Face à une situation de crise, il y a parfois une forme de schizophrénie : d’un côté, il faut être vigilant aux signaux faibles, mais de l’autre, il est essentiel de rester optimiste et de projeter une vision positive. Les équipes ont besoin de se rallier à une vision qui fait sens et qui apporte une certaine résilience face aux difficultés. Le rôle du leader est d’incarner cette vision tout en restant réaliste, en anticipant les risques et en prenant des décisions éclairées.

Le management, c’est avant tout l’art de l’anticipation. Il est essentiel d’avoir un regard critique, d’être un « pessimiste actif » en ayant constamment des plans pour gérer les risques et réévaluer les actions en cours. Cela peut nécessiter un pivot stratégique ou une réévaluation des hypothèses. Pour avancer, il faut savoir embarquer les équipes, donner du sens aux échecs et renforcer la confiance des collaborateurs pour qu’ils puissent prendre des risques. L’échec doit être perçu comme une opportunité d’apprentissage.

Dans un contexte de start-up, avec des actionnaires et des fonds de capital-risque, les financements sont souvent conditionnés à des étapes critiques. Même dans ces situations incertaines, comme la difficulté à payer les salaires en fin de mois, il est vital de rester tenace et inspirant, en gardant une vision claire du chemin à suivre. C’est la capacité à inspirer confiance qui fait la différence

Comment encouragez-vous l’innovation au sein de Horiba ?

Le succès repose sur l’équipe. Les investisseurs, par exemple, évaluent principalement la capacité des équipes à réussir. Il est essentiel de s’entourer de personnes de confiance et de rester à l’écoute des retours des clients et des collaborateurs, car ce sont souvent ceux sur le terrain qui détiennent les meilleures réponses. Chez HORIBA, nous privilégions l’innovation participative plutôt que des décisions descendantes, car cela libère de l’énergie et stimule la créativité.

Nous encourageons les employés à proposer des projets visant à améliorer le quotidien, et des équipes sont dédiées à formaliser ces initiatives. Pour garder le contact avec la réalité du terrain, j’organise régulièrement des rencontres informelles avec des collaborateurs de différents services. Ces échanges directs, sans filtres, permettent d’éviter que le management ne se déconnecte et valorise ceux qui sont à l’origine des avancées. Une équipe écoutée et confiante est toujours plus productive.

Eurasanté joue un rôle clé en nous rapprochant du monde académique et des start-ups. Cela nous permet d’accéder aux innovations de demain et d’anticiper les besoins futurs, en définissant des standards en métrologie. Ces collaborations sont essentielles pour répondre aux attentes des chercheurs et entrepreneurs, tout en constituant un vivier de talents pour HORIBA. Cependant, il reste encore beaucoup à développer avec Eurasanté, notamment sur le volet de l’open innovation, pour maximiser ce potentiel.

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