VÉTÉRINAIRE, FONDATRICE ONCOVET ET OCRVET

Vétérinaire de profession et à la tête du premier centre français privé référé en oncologie animale, rien ne vous prédestinait à fonder une start-up.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

J’ai su dès mes 11 ans, en découvrant l’équitation, que ma passion pour les animaux me prédestinait au métier de vétérinaire. Après mes études à l’école vétérinaire de Maison Alfort, j’ai créé en 1988 ma première clinique vétérinaire pour animaux de compagnie au sein d’un cabinet rural à Cysoing.

Très tôt, je me suis intéressée à la problématique du cancer, qui touche un chien sur deux de plus de 10 ans. J’étais très frustrée dans mon exercice clinique quotidien de ne pas disposer de moyens pour diagnostiquer, et encore moins pour traiter, les pathologies cancéreuses des animaux de compagnie. J’ai alors décidé de me former en oncologie animale, en partant étudier aux USA pendant un an (« Animal Medical Center » de New York). J’ai emmené dans cette aventure mon mari et mes 3 enfants, tout en confiant ma clinique vétérinaire à 2 collègues vétérinaires salariées. C’était notre « Erasmus » réalisé sur le tard ! A mon retour en France, j’ai réalisé diverses formations en oncologie humaine, qui m’ont éclairée sur les similitudes de la maladie cancéreuse du chien et du chat avec celle de l’homme.

J’ai ensuite créé en Août 2000 « Oncovet », le premier centre privé en France ayant une activité référée exclusive en cancérologie vétérinaire : les animaux de compagnie souffrant de cancer nous sont adressés sur prescription de leur vétérinaire pour le diagnostic et le traitement de leur cancer. J’ai pu y soigner mes patients animaux avec les mêmes traitements anticancéreux que les humains. L’arsenal thérapeutique en oncologie animale étant très pauvre, j’ai cherché à leur faire  bénéficier d’innovations thérapeutiques dans le cadre d’essais cliniques.

En collaboration avec des équipes de chercheurs lillois et allemands, nous avons répondu à un appel à projets européen pour tester un biomatériau innovant dans le cadre de chirurgie
reconstructrice à la suite d’une exérèse de tumeur osseuse. Eurasanté nous a accompagné dans le dépôt d’AAP et dans la coordination de ce premier projet collaboratif européen.

La suite s’est enchainée très rapidement, et je pense qu’« Oncovet Clinical Research » (OCR) n’aurait pas existé sans Eurasanté ! Lors d’un audit dans le cadre de la mise en place de ce projet, une auditrice m’a suggéré de créer une entité dédiée à la recherche clinique sur animaux de compagnie. J’ai alors saisi l’opportunité donnée par Eurasanté de participer à son programme « 3 jours pour entreprendre » pour tester mon idée de création d’une société basée sur le concept «One Health». A la suite du pitch final, Eurasanté m’a incitée à déposer un dossier au « Concours national d’aide à la création d’entreprise de technologies innovantes » 1 dont la date de clôture était seulement 15 jours après. J’ai remporté un prix dans la catégorie « Emergence » et ai ainsi eu le déclic pour créer la société OCR en 2010 !


1 Désormais appelé « Concours i-Lab », opéré par BPI France

Quelle est la spécificité du Concept « One Health » que vous adressez grâce à OCRvet ?

Il est particulièrement intéressant d’inclure des animaux domestiques dans des essais cliniques adressant des pathologies similaires en santé humaine, car les données issues de ces essais sont plus pertinentes que de passer directement de la souris à l’Homme. Les animaux de compagnie vivent dans le même environnement que l’homme et présentent les mêmes facteurs de risque de développer les maladies cancéreuses.

La maladie se développe spontanément sur un organisme vivant immunocompétent. Par ailleurs, la vie d’un chien est 7 fois plus courte que celle d’un Homme : il vit tout en accéléré, y compris le développement du cancer et la progression vers un stade métastatique ; ainsi les données d’efficacité de nouvelles thérapies lors de tests cliniques sont obtenues plus rapidement que chez l’homme. Les essais cliniques chez les animaux de compagnie, permettent d’optimiser le passage entre le stade pré-clinique et les études cliniques chez l’homme.

Mon objectif a été de créer une structure dédiée à la recherche translationnelle proposant aux biotech et laboratoires pharmaceutiques en santé humaine une offre d’essais cliniques sur animaux de compagnie spontanément malades. C’est une opportunité pour la recherche en santé humaine, mais c’est aussi une chance pour les animaux concernés !

Trop souvent, je rencontrais à Oncovet des propriétaires d’animaux dans l’impossibilité de couvrir les frais de traitements proposés pour la maladie de leur animal. Dans le cadre de leur participation à un essai clinique, les animaux malades sont accès à des traitements innovants et les propriétaires bénéficient d’une prise en charge totale.

Comment a évolué l’entreprise depuis sa création en 2010 ?

Nous avons démarré en réalisant des études cliniques en oncologie sur des patients animaux accueillis au centre de cancérologie vétérinaire Oncovet. Dans le même temps nous avons développé une biobanque d’échantillons biologiques de chiens et chats présentant des pathologies cancéreuses.

Nous avons ensuite élargi notre proposition en diversifiant les domaines thérapeutiques d’intérêt, et en s’adressant également aux acteurs pharmaceutiques de la santé animale. Cette évolution nous a imposé le recrutement d’un plus grand nombre d’animaux présentant des pathologies variées ; ce qui nous conduit à développer un large réseau européen de cliniques partenaires, sites d’investigation des études cliniques coordonnées par OCRvet pour le compte d’acteurs de la santé animale et humaine. Nous avons souhaité que le nom de l’entreprise soit en cohérence avec son évolution, c’est pourquoi OCR («Oncovet Clinical Research») est devenu « OCRvet » en 2023.

Le 1er octobre 2024, OCRvet a franchi une nouvelle étape décisive en étant racheté par le groupe international Clinglobal, qui complète ainsi son offre de services de recherche pour la santé animale en Europe, avec les études cliniques terrain. L’ambition est de construire une proposition complète de la préclinique in vitro aux études pivotales d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux candidats médicaments, à la fois aux Etats-Unis et en Europe. OCRvet qui garde son équipe et son siège social à Lille, représente le fondement en Europe de la nouvelle Business Unit de Clinglobal : « Field clinical trials ».

En quoi l’écosystème régional vous a-t-il aidé dans votre parcours ?

Le rôle d’Eurasanté a été clé pour impulser le projet et obtenir les moyens financiers nécessaires à son lancement. Même si en 2024 la pérennité et le futur d’OCRvet sont assurés, la société a traversé des phases difficiles, et a dû s’adapter pour trouver le business model lui permettant d’atteindre la rentabilité, et d’être attractive pour d’autres acteurs de la recherche en santé animale. Je suis très reconnaissante de l’accompagnement reçu par les collaborateurs d’Eurasanté dans ces périodes difficiles, notamment durant la pandémie de COVID-19 qui a été une période très compliquée pour notre activité.

Je n’ai pas un parcours académique de chercheur, mais j’ai toujours cru à l’innovation née de la collaboration entre sphères académique et privée. Je trouvais Clubster NSL très riche pour cela. J’ai déménagé en Bretagne en 2019 car le projet professionnel de mon mari l’exigeait, mais l’entreprise, elle, n’a pas bougé. J’y reviens très régulièrement pour poursuivre les nombreuses  collaborations avec des industriels locaux et je suis fière d’avoir contribué à y créer des emplois durables.

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