NEUROLOGUE AU CHU DE LILLE, PROFESSEUR EN PHARMACOLOGIE MÉDICALE À L’UNIVERSITÉ DE LILLE, DIRECTEUR D’UNE ÉQUIPE DE RECHERCHE À LILLE NEUROSCIENCE & COGNITION INSERM ET COFONDATEUR INBRAIN PHARMA ET INVENIS BIOTHERAPIES

Vous êtes professionnel de santé de formation et avez fait le choix en plus de cela de vous lancer dans l’entrepreneuriat. Pourquoi ce choix ?

La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’autre choix que l’entrepreneuriat si l’on veut faire bouger les choses. Nous sommes bloqués en tant que simples médecins et simples chercheurs. Soit nous appliquons les prescriptions médicales actuellement recommandées et qui demeurent largement insuffisantes dans beaucoup de cas, soit nous créons quelque chose de complètement nouveau, qui a de l’impact.

Créer une start-up est la seule solution pour proposer un traitement médical et pour que les fruits de la recherche académique reviennent véritablement aux patients. Même s’il reste parfois des clivages entre le public et le privé, l’entrepreneuriat complète selon moi totalement le travail de chercheur. C’est d’ailleurs ce que demande l’Europe  avoir un impact sociétal.

Il ne faut pas oublier non plus que dans le quotidien de médecin, on voit tous les jours des personnes qui souffrent, c’est difficile. Alors quand on entreprend, on se projette sur un futur désirable.

Toute ma vie j’ai dû être dans l’excellence. Pour faire médecine dans ma discipline il fallait réussir à être dans les dix premiers pour cent des étudiants, pour obtenir des financements académiques prestigieux : 10% aussi… Pour créer sa start-up, c’est le même combat : il n’y a qu’une seule start-up française par an qui réussit à lever 50 millions d’euros.

Or, nous cumulons toutes les difficultés : start-up en santé, avec un tout nouveau concept de perfusion cérébrale qui plus est, avec donc à la fois un médicament combiné à un device, une pompe de haute technologie. Le défi est immense à relever, nous devons sans cesse nous surpasser !

Comment s’est déroulé votre parcours d’entrepreneur,
quel a été le rôle de l’écosystème régional ?

Je suis allé voir des big pharma avec mon idée de Dopamine intracérébrale. Mais il a fallu attendre d’avoir la possibilité de bénéficier d’un laboratoire préclinique pour véritablement avancer grâce à l’activation d’un profil post-doctorant sur le sujet.

La SATT Nord a d’abord investi et permis de déposer les premiers brevets. Ensuite, Eurasanté grâce au Bio-Incubateur nous a aidé et nous aide encore à structurer les projets, les présenter et rechercher les financements. Bpi France, bien sûr, acteur incontournable pour le financement est également intervenu.

Nous sommes médecins et ne savons pas grand-chose d’autre que la médecine, alors que nous avons besoin de 1001 compétences pour entreprendre. Nous passons beaucoup de temps sur les aspects réglementaires et financiers, nous savons que c’est inévitable. Le soutien de l’écosystème est essentiel dans ce cadre. Il ne fait pas les choses à notre place, mais nous y prépare.


Le parcours entrepreneurial est difficile, mais extrêmement gratifiant. Je travaille 16 heures par jour et c’est toujours les vendredis que nous apprenons les mauvaises nouvelles. On l’appelle entre nous « le syndrome du vendredi soir ». C’est un moment de doute qui revient régulièrement, mais on s’habitue et nous avons su développer notre résilience.

Enfin, c’est aussi une aventure humaine, une aventure que nous traversons en couple avec mon épouse le Professeur Caroline Moreau cofondatrice, mais aussi avec Matthieu Fisichella et deux nouveaux CEO, Véronique Foutel pour InBrain Pharma et Boris Molle pour InVenis Biotherapies avec mon ami chercheur Thierry Burnouf à Taiwan. Là aussi la complémentarité des compétences est vitale et enrichissante.

Avec du recul, quelles ont été vos plus grandes satisfactions en tant qu’entrepreneur ?

Tout a été passionnant même si compliqué. J’ai par exemple mal vécu les essais cliniques… Être au quotidien aux côtés des patients, c’est être dans l’intimité de leur souffrance. Même si le traitement était prodigieusement efficace, il ne fait pas disparaitre la maladie.

Ce qui nous motive c’est combattre cette injustice de la maladie pour les patients. Loin de nous l’idée de devenir riche et célèbre : si cela avait été notre objectif, nous aurions fait autre chose !

Ce qui nous émeut et nous touche le plus, ce sont ces remerciements dans l’enceinte du cabinet. Les patients nous remercient parce que nous les écoutons. Ils nous remercient d’être là, d’être médecins et pas forcément d’avoir fait un exploit scientifique. Notre carrière n’aura pas été vaine si nous leur avons apporté quelque chose.

Enfin, aujourd’hui, j’ai l’honneur de faire partie du Comité Scientifique et Ethique du Bio-Incubateur Eurasanté et j’essaie de faire profiter de mon expérience aux autres entrepreneurs. J’espère rendre les choses plus faciles pour les jeunes qui arrivent.

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