PRÉSIDENT ET DIRECTEUR SCIENTIFIQUE, ALZPROTECT

Pouvez-vous me présenter votre parcours ?

J’ai toujours été passionné de biologie, d’aussi loin que je m’en souvienne. Petit, j’ai demandé maintes fois à mes parents un microscope pour Noël. D’origine modeste, ils m’ont offert un 1er microscope (en plastique !), très vite suivi par un vrai microscope pour mes 13 ans. L’investissement n’a pas été vain : l’année suivante (1979) je remportais le Prix national du Concours scientifique Philipps pour les jeunes. Et en 1981, le 3ème Prix du même concours à l’échelle européenne. Ce jour là, mes parents, qui n’envisageaient pas pour moi de longues études, ont changé d’avis.

Après un doctorat en Biologie obtenu à l’Université de Lille (1991), je démarre ma carrière aux Etats-Unis, par un premier poste d’assistant chercheur au sein de l’Institut Rutgers (NYC). Ce n’était que le début d’une longue carrière à l’international, m’offrant l’opportunité de vivre et travailler dans 5 pays en l’espace de 18 ans (USA, Italie, Belgique, Suède et France).

Ces années m’ont permis de m’essayer aux mondes des grandes industries comme des petites start-ups biotech, et d’une casquette de directeur de recherche jusqu’à celle de dirigeant d’entreprise. Jusque l’année 2009, où j’ai rejoint la start-up Alzprotect d’abord comme Directeur scientifique, puis très rapidement comme CEO.

Cela fait aujourd’hui 15 ans que vous vous investissez pour le développement d’Alzprotect.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la société ?

Quand je suis arrivé à Alzprotect, la start-up comptait 2 salariés. Elle travaille sur la molécule AZP2006, présentant un potentiel thérapeutique pour les tauopathies, notamment la maladie d’Alzheimer et la PSP (Paralysie Supranucléaire Progressive).

L’actualité est forte pour notre entreprise : nous sommes en train de clôturer une levée de fonds de 35M€ et les essais cliniques ont démarré ; ils devraient se dérouler jusque 2028, pour une mise sur le marché de notre molécule luttant contre la PSP au plus tard en 2030.

Mon plus beau cadeau sera de voir ce produit développé depuis de longues années sur le marché et améliorer le quotidien de millions de personnes sur Terre. Et je ne prendrai pas ma retraite avant d’avoir vu cela ! Mais ça ne sera pas ma réussite, ça sera celle de toute une équipe. Je ne suis qu’un transmetteur : les fondateurs ont trouvé avec l’AZP2006 un diamant, nous l’avons juste transformé en bijou.

A votre arrivée chez Alzprotect en 2009, vous vous êtes installés sur le Parc Eurasanté – et vous n’en n’êtes jamais partis. Qu’est-ce que cette localisation vous a apporté ?

En effet, nous avons quitté notre laboratoire de l’INSERM en 2010 pour nous installer dans le bâtiment du Bio-Incubateur. Et aujourd’hui nous sommes non loin de là, rue Nelson Mandela. J’ai trouvé dans le Parc le meilleur des 3 mondes (académique, clinique et industriel). La proximité du CHU de Lille et de nombreux centres de recherche est évidemment également un atout précieux.

Je peux vous partager une anecdote sur comment cette implantation au Bio-Incubateur a un jour sauvé Alzprotect. Eurasanté organisait le midi au Bio-Incubateur un atelier sur le CIR (Crédit Impôt Recherche). Je savais déjà tout sur le sujet, mais ils offraient un sandwich aux participants pour le déjeuner… et comme je n’avais pas prévu à manger ce jour-là, j’y suis allé ! Et bien m’en a pris ! Mon entreprise était alors dans une situation critique, avec seulement 3 mois de trésorerie devant elle. Je suis revenu de l’atelier avec des infos qui m’ont permis de redresser la barre et de sauver mon entreprise. Cela illustre bien l’utilité de ce type d’ateliers : on les néglige trop souvent par manque de temps, or ils peuvent s’avérer parfois déterminants.

C’est cet aspect réseau sur le Parc et à l’échelle de Clubster NSL que j’ai trouvé très complémentaire au programme d’incubation dont a bénéficié Alzprotect. Sans parler d’Invest’innove, qui m’a permis de m’exercer au pitch devant des investisseurs, et de remporter ensuite 17M€ en pitchant devant 400 personnes chez celui qui deviendra mon actionnaire principal.

Vous êtes à la tête d’Alzprotect depuis 15 ans, contre vents et marées. Comment on tient ?

Je dirais qu’il faut avant tout savoir bien s’entourer, et ensuite savoir faire preuve de résilience. La biotech n’est pas un monde de bisounours, il faut savoir encaisser les coups, rester calme et inventif pour toujours trouver de nouvelles solutions.

Un CEO de biotech doit bien sûr maitriser les sujets scientifiques. Mais aussi être un bon gestionnaire, un bon RH, un bon financier,… c’est plusieurs métiers en un ! Et c’est surtout un métier stressant du fait de la pression à trouver toujours plus de fonds, parfois dans des situations d’urgence. Si j’avais voulu de l’argent, je serais resté dans la grande industrie. Mais j’avais l’impression d’être dans un immense paquebot avec une rame.
Alors en rejoignant une start-up biotech, j’ai choisi le horsbord, beaucoup plus flexible et facile, même si plus soumis aux intempéries et aux naufrages. Et si c’était à refaire, je referais ce même choix – avec quelques différences bien sûr, car on apprend de ses erreurs.

Pour moi ce qui fait la différence, c’est la passion. Plus jeune, j’avais fait un don du sang aux USA, et on m’a remis un T-shirt où il était écrit « I made a difference in someone’s life » : j’ai toujours ce T shirt, et j’ai toujours ce souhait chevillé au corps de faire la différence dans la vie de millions de patients !

Découvrir d'autres
portraits inspirants