COFONDATEUR ET CEO, INNOBIOCHIPS

De formation académique, vous avez pris dès la fin de vos études un virage vers le monde de l’entrepreneuriat : pourquoi ce choix ?

J’ai un parcours universitaire assez standard au départ: un cursus de Biologie avec un vernis plutôt Biochimie. Pourtant, je n’ai jamais vraiment fait de biologie au sens strict, j’ai toujours privilégié de travailler dans des laboratoires sur des projets interdisciplinaires, entre Chimie, Biologie et Physique et toujours en lien avec des entreprises très innovantes. Et au moment de réaliser ma thèse, j’ai fait le choix du format CIFRE[1], me permettant de passer 75% de mon temps en entreprise.

A travers cette expérience réalisée dans une start-up, j’ai pu évidemment booster mes compétences en recherche, mais j’ai aussi appris à aller voir des clients, travailler sur des documents commerciaux, mais aussi comprendre le domaine du financement de l’innovation… Cela a été une expérience marquante. Et une fois fraîchement diplômé de mon doctorat en biologie, j’ai poursuivi mon cursus à l’IAE de Lille pour parfaire l’acquisition de ce double savoir-faire sciences / business, ce qui était peu commun pour les diplômés de l’époque.

En 2007, j’ai proposé à mon compère de laboratoire Christophe OLIVIER de fonder ensemble la start-up Innobiochips, créée l’année suivante et dans laquelle nous a rejoint rapidement Oleg Melnyk. 15 ans après, notre équipe s’est étoffée pour compter une quinzaine de salariés. 


[1] CIFRE : Conventions Industrielles de Formation par la REcherche ; le dispositif permet à l’entreprise de bénéficier d’une aide financière pour recruter un jeune doctorant dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire public de recherche, conduiront à la soutenance d’une thèse

Innobiochips, qui innove dans le domaine du diagnostic in vitro, s’est trouvée en première ligne pour participer à la lutte contre la crise sanitaire. Comment s’est passée la mobilisation de l’entreprise dans ces conditions exceptionnelles ?

Bien avant la survenue de la crise du COVID19 en 2020, nous avions déjà travaillé avec Gènes Diffusion sur la détection de coronavirus chez les animaux. Aussi, dès l’apparition de la crise sanitaire, nous avons rapidement été en capacité de développer des tests de sérologie du COVID19. Cela nous a amené à être en lien avec la DGA (Direction Générale de l’Armement), car bien qu’il s’agisse d’un sujet de santé, l’armée cherchait aussi des solutions technologiques à la crise. Nous avons ainsi travaillé pour développer des outils de sérologie Haute Définition. Nous avons été particulièrement rapides puisque notre test a été marqué CE en 8 semaines. Ça a été un très beau sprint de créativité et de développement !

Nous avons en parallèle monté la chaine de production puis installé notre technologie en direct dans des laboratoires d’analyse médicale. L’approche était particulièrement innovante. Elle s’est avérée intéressante pour distinguer l’immunité naturelle de l’immunité vaccinale puis pour estimer la protection contre les variants circulants.

Je garde finalement de cette période de confinement un assez bon souvenir, bien que le travail fût intense. Nous nous organisions entre nous pour venir au labo en horaires décalés et ainsi limiter les contacts. Le Parc Eurasanté était presque désert, c’était très curieux !

Qu’est-ce qui vous anime au quotidien pour porter aujourd’hui Innobiochips vers de nouvelles perspectives ?

De manière générale, je reste très motivé par le côté « challenge » de l’entrepreneuriat. Je trouve cela stimulant et riche intellectuellement. Mais c’est avant tout une super aventure humaine.

Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir réussi à constituer une très belle équipe autour de nous. Au total, nous avons recruté une cinquantaine de collaborateurs. Cinquante personnalités différentes que l’on a vu évoluer au cours du temps et avec parmi elles de vraies révélations.

On est heureux d’avoir été une bonne école pour pas mal de ces jeunes et de conserver de très bons contacts avec beaucoup d’entre eux.
Comme on le dit entre nous : « (Innobio) Chips un jour, Chips toujours !…»

La seconde satisfaction, c’est d’avoir réalisé le chemin complet, de l’idée griffonnée sur un tableau jusqu’au produit fini. Aujourd’hui, nous savons que les produits qui quittent les murs de l’entreprise sont destinés aux patients. Le fait de développer et produire des dispositifs de diagnostic qui rendent des résultats pour des patients est une vraie fierté.

Un conseil à donner à de jeunes entrepreneurs qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure ?

Il y a beaucoup de conseils à donner ! Mais le premier serait sans nul doute d’oser franchir le pas. Je me rappelle avoir eu moi-même quelques craintes lorsque j’étais plus jeune. Pour l’anecdote, lors de mon oral d’entrée à l’IAE, un entrepreneur du jury m’avait beaucoup challengé et m’avait dit : « Quand on veut apprendre à nager, il n’y a qu’une solution, il faut sauter dans la piscine ». Il avait senti que j’avais en mains tout ce qu’il fallait pour réussir, mais que j’érigeais des barrières qui n’existaient pas. Sur ses conseils, j’ai foncé et je ne le regrette absolument pas. Aujourd’hui, j’enseigne l’entrepreneuriat et c’est à mon tour de rassurer et d’encourager la nouvelle génération de futurs entrepreneurs !

J’encourage sincèrement les jeunes entrepreneurs à oser aller vers les entrepreneurs plus aguerris qui ont déjà vécu cette aventure, oser leur poser des questions, oser partager leurs idées et écouter les retours. Il y a dans notre écosystème un beau réseau d’« anciens » qui seront toujours d’accord pour se prêter à l’exercice. Les entrepreneurs sont par définition passionnés et donc toujours ouvert à partager leur passion. Je me rappelle moi-même avoir pris les conseils à l’époque de quelques « anciens », et qui m’avaient été fort utiles.

C’est d’ailleurs dans cet esprit de réseau que nous avons fait le choix de nous installer sur le Parc Eurasanté en 2014, et dont nous ne sommes jamais partis. Cela nous assure une position de proximité avec un écosystème d’entreprises, le CHU de Lille mais aussi l’équipe du GIE Eurasanté. Je me suis également impliqué au sein de Clubster NSL. Cela m’a permis bien sûr de faire de nouvelles rencontres, mais aussi de m’ouvrir en m’acculturant à des sujets tels que la nutrition ou la medtech. Et grâce à Clubster, j’ai rencontré des membres avec lesquels je ne fais aucun business, mais avec qui je peux échanger sur beaucoup de sujets. Certains sont même devenus des amis  !

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