COFONDATEUR ET DIRECTEUR BUSINESS UNIT, AQUILAB BY COEXYA

« Cela ne remet pas en cause l’importance de la recherche fondamentale, mais ce qui m’intéressait moi, profondément, c’était de rendre concrète les avancées scientifiques et de créer de la valeur. »
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de ce qui vous a conduit à créer AQUILAB : éditeur de logiciels reconnu depuis plus de 20 ans pour améliorer la qualité des traitements en oncologie ?
J’ai un parcours initial scientifique en informatique industrielle à l’Université de Lille. Je suis tombé dans le médical par hasard. J’ai réalisé mon stage de DEA sur de l’analyse d’images médicales pour la neurochirurgie puis j’ai continué ma thèse de sciences dans l’optimisation des traitements de radiothérapie cérébrale en collaboration avec le CHU de Lille et le Centre Oscar Lambret, ce qui m’a véritablement passionné.
J’ai ensuite travaillé comme Assistant Hospitalo Universitaire dans un laboratoire de la faculté de médecine avant de rejoindre le Centre Oscar Lambret. Le chef du département de radiothérapie de l’époque était visionnaire : il avait perçu très tôt que l’informatique allait révolutionner son domaine, et plus largement la santé. En 1995, il m’a proposé d’intégrer son équipe pour développer la recherche technologique en oncologie.
Pendant cinq ans, j’ai essayé de développer des passerelles entre la clinique, la recherche et l’industrie. S’agissant d’entrepreneuriat, rien n’était planifié : je n’avais aucune compétence en dehors du domaine technique, mais une frustration personnelle persistait…
J’ai voulu passer de chercheur à «trouveur», avec des résultats concrets, au bénéfice des patients. Cela ne remet pas en cause l’importance de la recherche fondamentale, mais ce qui m’intéressait moi, profondément, c’était de rendre concrète les avancées scientifiques et de créer de la valeur.
En 2001, nous avons donc lancé notre aventure sur le parc Eurasanté de Lille, où nous sommes toujours implantés. À l’origine, nous avons débuté par la valorisation d’innovations technologiques développées en collaboration entre le Centre Oscar Lambret, le CHU de Lille et les universités dans le domaine de la cancérologie.
Quelles ont été les principales étapes et défis dans la création et le développement d’AQUILAB ?
Nous avons d’abord soumis un projet de société de transfert technologique au premier concours de création d’entreprises de technologies innovantes du ministère de l’éducation et de la recherche et obtenu des financements en émergence pour consolider le projet. L’année suivante, nous avons de nouveau été lauréats, cette fois dans la catégorie création. Un congé sans solde m’a alors été accordé pour fonder l’entreprise. Philippe Bourel, mon associé jusqu’en 2018, m’a rejoint dans l’aventure, ainsi qu’une personne pour piloter l’aspect commercial, un domaine que nous maîtrisions peu à l’époque. Eurasanté nous a accompagnés durant cette période. Il n’y avait pas encore d’incubateur avec un bâtiment dédié, mais des formations au management étaient proposées. La diversité des rencontres était extrêmement enrichissante. Nous faisions partie de la première promotion du Bio-Incubateur Eurasanté, et nous sommes toujours là 25 ans après, ce qui est une grande fierté.
Notre parcours entrepreneurial a connu plusieurs étapes. Les deux premières années ont été relativement faciles grâce aux fonds levés, sans clients, donc sans réelle pression. Mais un jour, les fonds arrivent à épuisement, et il faut commencer à les renflouer. Notre première commande, reçue par fax du CHU de Toulouse, a été un grand moment !
Puis comme toutes les start-ups, il a fallu développer une équipe, trouver des clients et faire face à quelques échecs : des produits n’ont pas toujours fonctionné comme prévu ou n’ont pas trouvé leur marché.
Le développement d’une équipe est un véritable challenge. Il y a un seuil lorsque l’équipe atteint 6 à 7 personnes. Au début, nous étions en open space avec une communication ouverte et très directe. Puis, avec la mise en place de cloisons, de bureaux …, il a fallu s’organiser, structurer et mettre en place de nouveaux modèles de communication. Cette évolution modifie la dynamique de travail, car tout le monde n’est plus connecté de la même manière, et cela impacte le fonctionnement global de l’équipe.
Pourquoi avez-vous décidé de vendre AQUILAB au groupe Coexya, et comment envisagez-vous votre rôle au sein de ce groupe ?
Après 20 ans d’existence, AQUILAB avait besoin de franchir un nouveau cap et de changer d’échelle. J’avais deux options : soit chercher de nouveaux investisseurs type capital-risque, tout en gardant seul la tête du projet, soit trouver un groupe industriel capable d’intégrer AQUILAB avec une complémentarité d’activités. J’ai choisi la deuxième option.
En 2022, AQUILAB a ainsi rejoint le groupe Coexya, pour devenir AQUILAB by Coexya. Ce rapprochement offre une synergie naturelle dans le domaine de la gestion de la data en santé, et nous permet de bénéficier de l’expertise d’un groupe de plus de 1000 personnes avec des compétences en ressources humaines, comptabilité ou marketing, me permettant de me concentrer davantage sur les projets et le développement.
Pour m’adapter à cette nouvelle échelle, j’ai suivi un parcours de formation en management systémique. Cela va m’aider à optimiser mon action dans ce nouveau « système » et à mieux trouver ma place dans une entreprise qui a elle même été rachetée récemment. Coexya a rejoint le groupe Talan fin 2024, créant une entité encore plus grande de plus de 7000 personnes dans le domaine du numérique et de la data.
Cette évolution me procure une certaine stabilité, réduisant le stress quotidien du dirigeant. Je souhaite désormais travailler plus sur les concepts d’entreprise apprenante, être plus à l’écoute et transmettre davantage. Je construis les choses de manière plus collaborative en essayant d’intégrer tous les acteurs des projets et en cherchant à voir où je peux réellement apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise. Avec le recul, l’une des choses qui me rend le plus fier, c’est de voir ces jeunes talents, que nous avons formés chez AQUILAB, et qui ont aujourd’hui rejoint de grandes entreprises.
C’était parfois difficile de les voir partir, comme des enfants qui quittent le nid, mais maintenant, quand je les revois sur des congrès, cela me réjouit de savoir que leur parcours professionnel a commencé à Lille, chez nous. La richesse d’une entreprise ce sont ses collaborateurs.
La suite de l’histoire n’est pas encore écrite. Mais j’ai gagné cette liberté d’avoir aujourd’hui la possibilité de choisir mes engagements.